Les poètes d'Hiver arctique
- Par logreglan
- Le 2015-12-20
- Dans Polar et culture
Dans son roman, Hiver arctique, Arnaldur Indriðason cite deux grands poètes islandais: Jónas Hallgrímsson et Stein Steinarr.
Pour chaque artiste, découvrez une rapide biographie et des poèmes.
Jónas HALLGRÍMSSON (1807-1845)
Probablement le plus grand poète du dix-neuvième siècle, en Islande. « C’est le seul poète d’Islande », s’exclama Þorsteinn Gíslason en 1903. On sait peu de chose de son enfance, qui semble avoir été plutôt heureuse. La pauvreté le menaça toute sa vie. Il étudia le droit à l’université de Copenhague, mais également la zoologie, et la géologie. Passionné par les sciences, il fut un érudit qui ne cessa d’étudier, de se perfectionner, sans pour autant laisser de côté la littérature. Très actif, il participa à de nombreuses associations littéraires. Il utilisa également ses connaissances scientifiques sur le terrain, en Islande, où il vécut quand il n’était pas au Danemark. Tombant dans un escalier à Copenhague, il se blessa à la jambe. La gangrène l’emporta.
Il a composé une œuvre importante et sa renommée a dépassé les frontières de l’Islande. Romantique, il est aussi ironique, voire grinçant, et le rêve a une place importante dans ses poèmes qui frôlent parfois l’ésotérisme.
Fin du voyage
L'étoile de l'amour
sur les roches volcaniques
est cachée par un nuage de nuit ;
elle riait, du ciel
sur le garçon dans la sombre vallée
triste et obstiné.
Je sais où tout espoir
où ce monde mien
est renforcé par la flamme de Dieu.
Je brise les chaînes de l'esprit
et sincère, entier
je me serre contre toi.
Je sombre et je vois
dans ton âme
vivant de ta vie ;
chaque moment
que Dieu t'aime,
je le découvre en mon cœur brûlant.
Nous cueillons sur la montagne,
ensemble,
des fleurs sur les pentes ;
je tresse des couronnes
et je les pose, tendres présents,
sur tes genoux.
Tu attaches à mon front
des couronnes parfumées
de géraniums des montagnes.
Une, et puis d'autres,
tu les a admirées
et puis enlevées.
Nous avons ri sur le chemin
le ciel s'éclairait, beau
au bord de la montagne.
Aucune autre joie
ne semblait exister
que vivre notre vie.
D'aimables fleurs fantômes
pleuraient dans les fossés,
sachant que nous devions partir ;
nous pensions que c'était la rosée
et nous embrassâmes dans l'herbe
les gouttes froides.
Je te serrais sur le cheval
dans le courant rapide
et je sentis vraiment
que je prendrais soin
de cette jeune fleur, la porterais,
la défendrais toute ma vie.
Je démêlai ses boucles
près du ruisseau Galtará
avec douceur, et attention ;
sourient les lèvres des fleurs
brillent l'œil des étoiles,
rougissant de chaleur.
Maintenant il est loin
de toi, ce garçon
dans la vallée sombre ;
l'étoile de l'amour
sur les roches volcaniques
brille derrière les nuages.
Là-haut l'espace immense
sépare les globes,
la feuille sépare les pages ;
mais les âmes, qui s'aiment,
l'éternité ne peut
jamais les séparer.
Steinn STEINARR (1908-1958)
Aðalsteinn Kristmundsson (de son vrai nom) est né le 13 octobre 1908 à Laugaland, une ferme au nord d’Ísafjarðardjúp, dans la région des fjords de l’ouest. Il est le quatrième enfant d’un ouvrier agricole.
Il rencontre encore adolescent le poète Stefán frá Hvítadal, qui avait vécu dans la ferme de Bessatunga. Celui-ci, de retour chez les siens, donne une lecture de son premier volume de poèmes publié. Aðalsteinn, âgé de onze ans, écoute. Les deux poètes deviendront amis.
Entre 1925 et 1926, Steinarr fréquente l’école de Núpur. En 1926 il va à Reykjavík qu’il ne quittera plus. Il mène une vie difficile, faisant de nombreux métiers difficiles, ouvrier, pêcheur, gêné par sa main gauche devenue infirme suite à une attaque de polio entre 1926 et 1928.
C’est en devenant gardien de phare à Reykjanes, pendant cinq mois, qu’il découvre (selon ses propres dires) sa vocation de poète. En 1931 il publie son premier poème dans le magazine Lögrétta, et c’est un an plus tard qu’il utilise son nom d’artiste Steinn Steinarr, dans le même magazine.
Il devient communiste, écrivant dans le magazine engagé « Réttur », mais en 1956, de retour d’un voyage en URSS, il exprime son dégoût du système soviétique qu’il appelle « social fascisme ».
Tíminn og vatnið paraît en 1948. Le ton de ce recueil, entièrement nouveau, fait alors beaucoup parler de lui. Jón Óskar écrit à propos du livre : « Dans Le temps et l’eau, nous n’avons pas besoin de sympathiser avec des personnes, ni nous, ni d’autres, il n’y a aucune description, ni allusion de description, et le poème a sa propre vie ; il ne fait ni pleurer ni rire, il ne montre ni joie ni peine, mais une beauté que vous n’avez jamais connue avant. » Steinarr cite d’ailleurs MacLeish : « Un poème ne doit pas signifier, mais être ».
A l’époque de « Tíminn og vatnið » Steinarr est probablement amoureux de l’artiste Louisa Matthíasdóttir, installée aux Etats-Unis depuis 1942 pour étudier l’art.
Le 10 juillet 1948, Steinarr épouse Ásthildur Kristín Björnsdóttir. Il ne publie plus de nouveau recueil après cela, malgré le confort relatif de sa nouvelle vie. Il meurt de cancer en 1958.
Poème sans mélodie
J’ai essayé de chanter,
mais ma voix était morose et enrouée,
comme acier rouillé
limé en vain.
Et j’ai essayé de nouveau,
et j’ai pleuré et prié comme un enfant.
Et ma poitrine était pleine d’un chant,
mais il ne se fit pas entendre.
Et ma poitrine trembla
d’un chant de brisants rugissants,
et mon sang gonfla, enfla
sous le rythme de la mélodie.
C’était le chant de cette vie
de souffrances, folle, malade -
en ce jour fiévreux,
mais vous ne l’avez pas entendu.
Le temps et l'eau
1
Le temps est comme l'eau,
et l'eau est froide et profonde
comme ma propre conscience.
Et le temps est comme une image,
peinte d'eau à moitié
et de moi.
Et le temps et l'eau
courent sans chemin vers leur manque
en ma propre conscience.
3
Avec des ailes transparentes
l’eau fuit en remontant le cours
contre sa propre résistance.
Le fil jaune-rouge
qui court devant moi
ne suit nulle direction.
De l’autre côté des lèvres assoiffées de sang
de la matière brûlant
croît la fleur de la mort.
Sur la surface à angle droit
entre le cercle et le cône
croît la fleur blanche de la mort.