L’intégration de la Corse à la République française n’est pas seulement un événement historique, mais aussi une saga politique et culturelle qui continue d’influencer les relations entre l’île et le continent. Depuis le rattachement officiel de la Corse à la France en 1768, les vagues d’indépendantisme et les périodes plus calmes se sont succédées, témoignant d’une relation complexe et dynamique. La Corse a joué un rôle majeur dans l’histoire de la France et cela plus d’une fois ! Même si le rattachement juridique de l’île à notre patrie appartient au 18ème siècle, les liens entre ces deux nations remontent à beaucoup plus loin comme le démontre le fait qu’en 1600, la majorité des échevins de Marseille sont Corses et non Français : les populations étaient alors déjà très mélangées même si la Corse appartenait à la république génoise à ce moment la.
Sommaire
Histoire du rattachement de la Corse à la France
Il faudra cependant attendre jusqu’au 18ème siècle pour que les destins de la France et de la Corse soient juridiquement liés après la cession de l’île par la République de Gênes à Louis XV en 1768. Depuis le XIVeme siècle, l’île appartient à la république de Gênes sur demande de la population Corse. Ils avaient en effet exprimé cette demande deux siècles plus tôt, car la cité-État était une incarnation de puissance en plein essor. Cependant, la thalassocratie mercantile est depuis longtemps en déclin au XVIIIe siècle : son autorité est de moins en moins tolérée. Les impôts et taxes augmentent sans vraiment de retour : la situation est mal vécue par les Corses. Ces derniers finissent par rejeter ouvertement la république à partir de 1729. En 1731, un congrès rassemblant les plus grands théologiens Corses de l’époque déclare officiellement que la révolution est ‘légale’. L’objectif est de protéger la ‘nation’ Corse : pour ce faire, des généraux de la nation sont désignés parmi les chefs Corses. En 1736 on voit également un Chef de la nation émerger grâce à un semblant de suffrage universel. Le statut de Chef de la nation est ensuite établi dans un traité constitutionnel lui donnant le titre de Roi des Corses, et non Roi de Corse. La révolution durera jusqu’à la défaite totale de la république de Gêne qui finira par vendre la Corse à la France en 1768.
L’histoire du rattachement de la corse à la France pourrait s’arrêter la, cependant les historiens et géopoliticiens se disputent sur 4 dates pour le rattachement de la Corse : 1768 bien entendu, mais aussi 1769, 1789 et 1796.
Rattachement de la corse à la France : 1768 ?
Le 15 mai 1768, le duc de Choiseul et l’ambassadeur génois Sorba signent le traité de Versailles, souvent perçu comme un simple accord commercial. Cependant, le nom officiel du traité est « Traité de conservation de l’île de Corse à la République de Gênes », ce qui indique une intention différente. Selon ce traité, la République cède temporairement la Corse à la France pour rembourser ses dettes envers la Couronne. Il est essentiel de souligner que les droits de Gênes sur l’île demeurent intacts et sont même renforcés, à condition qu’ils ne compromettent pas les intérêts de la République. De plus, l’île de Capraia, précédemment conquise par l’armée paoliste au détriment de Gênes, est restituée à cette dernière.
Le plan de Choiseul est clair : après la défaite de la France dans la Guerre de Sept Ans, elle réclame à la République de Gênes le remboursement de ses dettes. Sachant que la République est dans l’incapacité de rembourser, Choiseul vise à intégrer de facto la Corse au royaume de France pour des raisons géopolitiques.
1769 : Mise en application du rattachement.
Ainsi, le « Traité de conservation de la Corse à la République de Gênes » signé en 1768 par le duc de Choiseul et l’ambassadeur génois Sorba marque le début d’une période tumultueuse pour la Corse. Malgré les termes du traité, qui visent à céder temporairement la Corse à la France pour rembourser les dettes de la République de Gênes, la mise en œuvre sur le terrain s’avère complexe. La Corse est un État bien structuré, avec une constitution, un gouvernement élu, et une milice citoyenne organisée. Il faut donc une année de conflit pour réaliser les dispositions du traité.
La date du 8 mai 1769 est également fréquemment évoquée et présente elle aussi des nuances. C’est le jour de la défaite des partisans de Paoli à Ponte-Novo. Après la signature du « traité de conservation », il fallait encore le mettre en œuvre sur le terrain. La Corse était en effet un État structuré, avec une constitution écrite, un gouvernement élu et des assemblées représentatives, ainsi qu’une milice citoyenne, conforme aux idées de Machiavel. Une année de guerre fut nécessaire pour réaliser les dispositions du traité, divisée en deux phases.
La première phase, en 1768, voit le corps expéditionnaire du Roi dirigé par le marquis de Chauvelin. Malgré plusieurs défaites des troupes de Louis XV, l’affrontement de Borgo se termine par une victoire écrasante pour l’armée corse. Suite à cette défaite, Chauvelin quitte la Corse à la fin de décembre 1768, ce qui pousse Versailles à reconsidérer la pertinence et le coût de la conquête.
La deuxième phase débute avec l’arrivée du comte de Vaux en avril 1769, accompagné de 44 bataillons d’infanterie et 4 régiments de cavalerie. L’armée corse, surnommée les « Nationaux », est à son tour vaincue à Ponte-Novo le 8 mai. Les combats se poursuivent jusqu’à la prise de Corte, la capitale paoliste, une dizaine de jours plus tard. Paoli quitte la Corse le 13 juin, marquant ainsi la fin du royaume républicain et de ses institutions. Néanmoins, la date du 8 mai 1769 ne peut être considérée comme significative en elle-même, car elle symbolise simplement le moment où le « Traité de conservation de la Corse à la République de Gênes » peut être mis en application.
1789 : Le vrai rattachement de la Corse à la France
La date du 30 novembre 1789 revêt une importance particulière et est la plus pertinente. De 1769 à 1789, la Corse se trouve dans une situation juridique ambiguë. Administrée indéfiniment par la monarchie française, elle demeure néanmoins un élément de la souveraineté génoise. Les Corses se trouvent dans une situation ambivalente, ni réellement sujets du roi de France, ni citoyens de la République de Gênes. Cette réalité est mise en lumière lors de la réunion de l’Assemblée des notables en février 1787 et août 1788, où les Corses s’attendent à avoir des représentants désignés, en vain. Cette omission provoque leur mécontentement. Louis XVI, conscient que les Corses ne sont pas véritablement ses sujets, réagit en tentant de clarifier la situation. Le ministre du Roi, Loménie de Brienne, commet une erreur politique en déclarant que Louis XVI n’avait pas convoqué les Corses en raison de l’éloignement géographique, assurant que « Sa Majesté ne mettra jamais aucune différence entre ses sujets corses et ceux de son royaume ». Cette déclaration, loin d’apaiser les tensions, confirme la réalité juridique selon laquelle les Corses ne sont pas des sujets français. Face au scandale, Versailles rectifie le tir et invite des représentants corses. De même, lors de la convocation des États généraux en 1789, l’élection des députés corses était initialement prévue selon des modalités spécifiques, invoquant l’éloignement géographique et l’absence d’ordre de noblesse. Cependant, devant l’absence de véritable clivage entre la noblesse naissante en Corse et le tiers-état, l’élection s’effectue finalement selon les règles communes, illustrant une fois de plus la complexité et l’ambiguïté de la situation juridique de la Corse.
La Corse est totalement française depuis 1789, mais après ?
En 1789, Paoli reçoit la nouvelle et écrit aux députés corses du tiers-état, Saliceti et Colonna de Cesari-Rocca : « En reconnaissant à la Corse tous les avantages de la nouvelle constitution, l’Assemblée nationale a trouvé le moyen de garantir la loyauté et la fidélité de ses habitants envers la monarchie française ». Le 23 décembre, il adresse à son ami Nobili-Savelli : « Je vous annonce que notre peuple brise ses chaînes. L’union avec la nation française libre est une participation de droit, non une servitude ». Ces propos résument sa pensée politique. Paoli n’a jamais été en conflit avec la France en tant que nation, mais avec l’Ancien Régime. Il s’est opposé à Louis XV, le monarque absolu, tout en adhérant aux principes de la monarchie constitutionnelle, de la Déclaration des droits de l’homme, de la tolérance religieuse et, plus tard, de la Constitution libérale de 1791, semblable à celle de la Corse en 1736. Cette position répond également à des enjeux géopolitiques essentiels pour les dirigeants corses : trouver une puissance protectrice capable de dissuader les ambitions des puissances étrangères et d’assurer la justice sur l’île, tout en respectant les spécificités de la Corse. Paoli écrit : « Je préfère nettement l’association de l’île de Corse avec les autres provinces françaises à une liberté indépendante. Sinon, on nous en priverait, ou elle serait vendue, ou un tyran émergerait… Notre liberté est plus sécurisée en association avec d’autres provinces ». Il adresse également une lettre à l’Assemblée constituante, lue à la tribune : « C’est avec une immense joie que j’ai appris les décisions de l’Assemblée nationale pour ma patrie. En intégrant la Corse parmi les provinces françaises, elle a trouvé le moyen infaillible d’attacher ses habitants à la monarchie française. En rapatriant mes compatriotes expatriés, elle a rallié à la Constitution un grand nombre d’individus prêts à la défendre jusqu’au bout ».
Paris accueille les Corses
Il en est de même pour Napoléon : farouchement paoliste et hostile à la France d’Ancien Régime le 12 juin 1789 lors de sa célèbre lettre à Paoli, il devient profondément attaché à la France pré-républicaine le 30 novembre 1789. À l’invitation des révolutionnaires, Paoli arrive à Paris début avril 1790. Reçu par Louis XVI, il est célébré comme un précurseur de la liberté par tous les révolutionnaires. Robespierre l’invite le 26 avril à la Société des Amis de la Constitution, déclarant : « Le jour où la Société des Amis de la Constitution accueille les députés du peuple corse est un jour de fête. Elle vous a déjà exprimé ces sentiments en accueillant M. Paoli, suspendant pour lui ses règles habituelles. C’est un hommage à la liberté, incarnée par l’un de ses plus illustres défenseurs. La liberté ! Nous sommes dignes de prononcer ce nom sacré ! Il fut un temps où nous étions prêts à l’opprimer dans un de ses derniers refuges. Mais ce crime appartenait au despotisme. Le peuple français l’a réparé. La France, libre et appelant les nations à la liberté ! Quelle magnifique réparation pour la Corse conquise et pour l’humanité blessée ! Généreux citoyen, vous avez défendu la liberté dans un temps où nous n’osions même pas l’espérer. Vous avez souffert pour elle ; vous triomphez avec elle, et votre triomphe est le nôtre. Unissons-nous pour la préserver toujours ».
La fin des années de paix entre France et Corse
Les périodes de concorde sont éphémères. En 1792, la monarchie parlementaire est abolie, et en 1793, le « roi des Français » est exécuté, une action que Paoli, de retour aux affaires en Corse, désapprouve. Sur six députés corses, cinq votent pour la clémence envers Louis XVI. Paoli rejette fermement l’instauration de la Terreur révolutionnaire, sans pour autant être un contre-révolutionnaire. Comme il avait combattu l’Ancien Régime plutôt que la France, il s’oppose désormais à la Convention montagnarde, sans être ni bourbonien ni jacobin. Paoli reste fidèle aux principes qui ont toujours guidé son action. En réalité, la Corse s’efforce de rester à l’écart des conflits continentaux et poursuit son propre agenda politique. En 1793, la Corse fait sécession et peu après, le royaume de Corse est rétabli. C’est la fin de la deuxième période d’adhésion de la Corse à la France. Paoli et surtout Carlo Andrea Pozzo di Borgo, cousin de Napoléon et futur conseiller et ambassadeur du Tsar pendant plus de vingt ans, sollicitent le soutien de l’Angleterre. Les Britanniques interviennent sur l’île, ravis d’obtenir une position militaire aussi stratégique en Méditerranée, d’autant plus qu’ils viennent de perdre Toulon. Cette alliance correspond à une convergence d’intérêts géostratégiques : d’un côté, la Corse trouve un puissant protecteur, connu de surcroît pour ses traditions libérales, et de l’autre, l’Angleterre acquiert une base face aux côtes françaises. La couronne du royaume de Corse est proposée à George III, qui l’accepte. Il ne s’agit pas d’une union avec l’Angleterre, ni même d’une annexion. La Corse ne devient pas un dominion britannique comme le Canada le sera plus tard. Il s’agit d’une double monarchie, ou « governo separato » selon les termes de Paoli. Le roi George III est le souverain, mais il n’a pas réellement de pouvoir gouvernemental, car les affaires de l’île sont dirigées par un vice-roi britannique, Sir Gilbert Elliot, assisté d’un gouvernement insulaire dominé par Pozzo di Borgo, et d’un parlement. Une constitution écrite et libérale est proclamée, la troisième que la Corse a connue. Sir Elliot résume la situation en ces termes : « Cette île s’est constituée en royaume distinct et indépendant sous un souverain commun ; elle n’a jamais cherché à devenir une colonie, une province ou une partie quelconque du Royaume de Grande-Bretagne. Le roi de Grande-Bretagne est son roi en tant que roi de Corse, et toute autorité qu’il exerce sur elle doit être conforme à la constitution établie par l’Acte d’Union ». Cette double monarchie anglo-corse perdure jusqu’à la fin de l’année 1796. La Corse n’a donc jamais connu la Terreur. Avec la fin de cette dernière sur le continent, rien n’empêche un retour au sein de la France. Bonaparte, général de l’armée d’Italie, saisit cette opportunité et expulse les Anglais de Corse, notamment grâce aux insulaires de son armée qu’il envoie reconquérir l’île. Le 20 juillet 1796, il écrit au chef de bataillon Bonelli : « J’ai ordonné à tous les réfugiés de se préparer à prendre la tête des courageux patriotes corses, à renverser le joug anglais et à recouvrer la liberté, objectif constant de nos compatriotes. Quelle gloire pour eux s’ils peuvent seuls chasser ces orgueilleux Anglais de notre terre ! » Les Britanniques évacuent la Corse. Le 15 novembre 1796, Sir Gilbert, futur gouverneur général des Indes, signe un acte dans lequel il renonce à son titre de vice-roi de Corse. Commence alors la troisième période d’adhésion de la Corse à la France, bien que le lien politique doive être rétabli et que les troubles persistent. C’est avec l’accession de Napoléon au poste de Premier Consul en 1799, puis d’Empereur de la République, que les choses se stabilisent.
Raisons politiques et économiques du rattachement
Le rattachement de la Corse à la France n’était pas uniquement motivé par des ambitions territoriales, mais également par des intérêts stratégiques et économiques. La position géographique de la Corse en Méditerranée offrait à la France un avantage naval et commercial significatif. De plus, l’exploitation de ses ressources naturelles était vue comme un atout économique potentiel pour le royaume.
Voir aussi : Les plages corses de Capo di Fino
Indépendance de la Corse dans l’actualité politique
La question de l’indépendance corse reste prégnante dans l’actualité politique française. Des partis politiques tels que le Partitu di a Nazione Corsa (PNC) continuent de plaider pour une autonomie accrue, voire une indépendance totale, arguant que cela permettrait une meilleure gestion des affaires internes de la Corse et reconnaîtrait son identité unique. Mis à part cela la Corse est un pays paisible et agréable pour passer ses vacances. On vous a donné envie ? Découvrez les endroits a eviter en corse bien voyager.
Réformes institutionnelles et autonomie
L’appel à une autonomie accrue a conduit à plusieurs réformes institutionnelles importantes. Notamment, en 2002, un statut particulier d’autonomie a été accordé, renforçant les pouvoirs de l’Assemblée de Corse. Cette autonomie reconfigurée permet un meilleur contrôle local des affaires économiques, sociales et culturelles, même si elle reste en deçà des aspirations indépendantistes de certains secteurs de la population.
Date importante : Tricentenaire du rattachement
En 2018, la Corse a marqué le tricentenaire de son rattachement à la France, un moment de réflexion intense sur son pssé, son présent et son avenir au sein de la République. Cette commémoration a été l’occasion pour de nombreux Corses de revisiter l’histoire de l’île et de revendiquer une reconnaissance plus forte de leur identité spécifique.
Réactions contemporaines au tricentenaire
Le tricentenaire a suscité un large éventail de réactions à travers l’île. Si certains y ont vu une occasion de célébrer leur appartenance à la France, d’autres ont organisé des manifestations appelant à une plus grande autonomie ou à l’indépendance. Ces diverses réponses reflètent bien la dualité des sentiments que nourrit le peuple corse vis-à-vis de son intégration à la structure étatique française.
Depuis quand les Corses veulent-ils l’indépendance ?
Le désir d’indépendance en Corse remonte à plusieurs siècles, principalement depuis que Pascal Paoli a proclamé la Constitution corse en 1755, établissant l’un des premiers gouvernements démocratiques modernes. Bien que l’île ait été intégrée à la France treize ans plus tard, cet esprit d’indépendance n’a jamais vraiment disparu.
- Mouvement nationaliste : Émergence en plein XXe siècle
- Autonomie partielle : Accords matériels avec la France tout au long des années 1980 et 1990
- Continuité des tensions : Entre attentes locales et concessions gouvernementales françaises
Explorant ces différentes facettes, l’histoire et l’actualité de la Corse nous montrent une île vibrant au rythme de ses propres aspirations, affirmant son identité tout en naviguant dans le cadre institutionnel français. Le sentiment d’appartenance et la recherche d’autonomie continuent de façonner la destinée de ce joyau méditerranéen.